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16/08/2021

Klaxon City

Maroc, Klaxons, Tanger, Tétouan, Humour, Voitures

 

 

L’une des choses qui frappe le plus lorsque l’on débarque ici, c’est l’omniprésence du klaxon. Dans n’importe quelle ville du Maroc, du centre à la périphérie, la vie urbaine ne semble résonner que de cet instrument à la sonorité douteuse, utilisé pour n’importe quelle situation :

« Tu n’arrives pas à prévoir 1,74 secondes à l’avance que le feu va passer au vert ? Coup de klaxon ! »

« Tu oses traverser la rue, vil piéton, alors qu’il y a un feu qui est fait pour toi 15 kilomètres derrière ? Klaxon ! »

« Tu ne mets pas ton clignotant quand tu tournes ? Quoi ? Moi aussi je ne le mets pas ? Et alors ? C’est ton problème ?... Klaxon ! »

« Tu oses être belle alors que c’est interdit par la loi ? Klaxon ! »

« Tu marches tranquillement sur ton trottoir et tu ne fais rien de mal ?... (Moment de réflexion) C’est louche : Klaxon ! »

J’ai longtemps cru que cette mauvaise habitude des conducteurs traduisait un sentiment de frustration latente qui devait s’évacuer par cette pression facile de la paume sur l’instrument d’alerte. Bien protégé dans cette carrosserie qui le coupe de l’extérieur et le dispense de toute civilité, je pensais que le marocain lambda était un mufle quand il conduisait...

Mais ce que j’avais pris pour de l’agression gratuite au début, est en fait un trait culturel que j’ignorais jusqu’alors : Hé oui. Le Klaxon est la deuxième langue officielle du Maroc. C’est une langue avec ses codes, ses règles, sa grammaire.

Je m’en étais aperçu lors de mes déplacements entre Tanger et Tétouan... Je faisais signe à une voiture qu’elle pouvait me dépasser sans danger, et le conducteur s’exécutait en me remerciant par deux coups brefs de klaxon qui voulaient sûrement dire : « Merci, cher conducteur à l’allure de grand-père. Votre attention est tout à fait délicate et je vous en remercie. »

Dès lors : révélation. Tout un univers s’ouvrait à moi.

C’est en effet avec le temps que j’apprendrai qu’un long klaxon envers les passants qui traversent ne voulait pas forcément dire : « Cassez-vous de mon chemin, misérables vers de terre ! Cette route a été achetée par mon père ! » Mais plutôt : « Siérait-il à vous, aimables piétons, de hâter le pas pour que je puisse faire passer mon humble carrosserie sans risque de vous heurter ? »

Idem pour les coups de klaxon à un feu rouge. Longtemps resté dans l’ignorance de la langue, j’ai longtemps cru que cela voulait dire : « Mais tu vas bouger ta carcasse ?! Tu crois que j’ai que ça à faire, espèce de [Pastille de censure de niveau 5] !

Après vérification, la traduction exacte de ce type de klaxon était : « Je tenais à vous informer personnellement, Ô humble co-véhiculaire, que le feu de circulation était passé depuis 0,0095 secondes dans la teinte dite émeraude, et que ce serait très appréciable si vous daigniez (mais j’abuse peut-être) avancer. »

Quelques fois, j’avais cru que deux personnes se disputaient en se klaxonnant dessus à tout va. En fait, tout cela était l’ébauche d’une discussion construite :

Klaxon 1 : Désolé, cher Monsieur, de m’être trouvé sur votre chemin lorsque vous déboîtâtes tout d’un coup devant moi. Le remord et la confusion me rongent.

Klaxon 2 : Cette confusion est d’abord mienne, humble collègue, puisque je me trouvais sur votre voie lors de mon déboulé intempestif.

Klaxon 1 : Laissons donc cela. Nous avons évité le pire et il serait désormais avisé, en gentlemen, d’être plus vigilants la prochaine fois.

Klaxon 2 : Oui, vous avez tout à fait raison. Vous savez, je ne suis pas comme ça d’habitude... Mais j’ai des problèmes personnels aujourd’hui... Notamment avec ma femme...

Klaxon 1 : Allez ! Dites moi tout... Commencez par le début... Euh... Attendez, on arrive au rond-point de la Ligue Arabe, le Parlement klaxonien de la ville, alors on ne va pas trop s’entendre là...

 

Langage complexe, le klaxon est fait de nuances, de tons, d’élans qui rendent son vocabulaire plus riche qu’on ne le croit. Tout cela demande une certaine maîtrise. Un temps trop long et toute la phrase change. Une pression plus accentuée sur l’instrument et la prononciation n’est plus la même. Je débute à peine mais je commence à faire de gros progrès. J’arrive par exemple péniblement à prononcer quelques bribes de phrases : « Voulez-vous avancer, s’il vous plaît ? » ; « Attention chers piétons, j’arrive. » ou « Veuillez sortir de sous mes roues, vous abîmez mes amortisseurs. »

J’ai encore beaucoup de progrès à faire pour atteindre un bon niveau. Mais j’ai de la chance : les conducteurs marocains sont de très bons professeurs.

 

Mohamed Saïyd. in Bienvenue à Maroc-Land (c) 2019.

14/08/2021

Bienvenue à Maroc-Land !

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Cet été, comme chaque année, j’ai passé mes vacances à Maroc-Land : un parc d’attractions haut en couleur, avec ses manèges à sensations fortes, ses stands, ses spectacles et ses attractions toutes plus délirantes les unes que les autres... Étalé sur une surface de près de 710.000 km², c’est le plus grand parc d’attractions au monde. Un univers unique, foisonnant et coloré, qui attire chaque année toujours plus de visiteurs.

Et comme d’habitude, avant d’y entrer, j’ai attendu une heure dans une file d’attente devant le grand portail d’entrée. J’ai payé ma place à des guichetiers en uniforme, puis je me suis rué vers la première attraction qui se présentait !

À ma grande joie, je tombe rapidement sur « Traverse ou je te renverse », un jeu d’agilité très prenant qui fait appel à notre rapidité d’action et à nos réflexes... Cette attraction consiste à traverser la rue d’une grande ville en évitant (le plus possible bien sûr) de se prendre un pneu. Le plaisir de ce jeu réside dans sa difficulté croissante puisque pour corser l’affaire, les automobilistes accélèrent aimablement lorsque l’on se risque sur la route...

Tout aussi décoiffant, « Le Taxi fou » m’a littéralement grisé. L’accès se fait dans de grands parkings où stationnent en file les taxis vides. Chaque wagon peut contenir six personnes, serrées au maximum, pour faire profiter cette attraction très populaire au plus grand nombre. Et une fois à l’intérieur, la folie commence : vitesse maximale, dépassements dangereux, appels de phare des voitures en face, virages pris en dérapage, klaxon contre tout ce qui bouge... On ressort de cette attraction assez secoué...

Mais pas autant que dans un autre manège : « Car Cass ».

Coincé à 100 dans une boîte métallique roulante sans suspension ni amortisseurs, il faut s’accrocher à tout ce que l’on peut lorsqu’un dos d’âne se présente... Stress, sueur, chaleur... Pour corser le jeu, le chauffeur fait aussi des siennes en freinant sec à chaque arrêt. Vous abordiez gentiment une fille en face de vous ? Coup de frein. Vous vous retrouvez entre Haj1 Boulahia et le Fqih2 Omar qui vous avaient vu faire tout à l’heure et qui s’apprêtent à vous dire ce qu’ils pensent de vos agissements. Deuxième coup de frein. Vous vous retrouvez sur les genoux de Lalla3 Sotfa, 4 dents, la cinquantaine, encore célibataire.

Maroc-Land, c’est aussi des attractions comme « Kasbah Adventure », un grand labyrinthe de vieilles pierres, de ruelles tortueuses et d’impasses, où l’on peut définitivement se perdre. (Dites bonjour d’ailleurs à Michel D., en vacances pour une semaine, qui est devenu vendeur de fruits secs dans l’impasse Ibn Tachfine).

Retrouver son chemin, tout en déjouant les sollicitations pressantes des vendeurs d’accessoires en cuir, sans acheter un pouf ou un tas d’autres objets qui ne vous serviront à rien une fois les vacances passées, n’est pas donné à tout le monde. Et il vous faudra une certaine maîtrise de soi pour y parvenir...

Dans un style plus crispant, « Derb Fantôme » nous plonge dans une ambiance angoissante assez réussie. Ruelles sombres et désertes, dangers de tous les instants, ivrognes agressifs, chemkars4 et jeunes désœuvrés... Cette attraction consiste à rentrer dans la rue d’un quartier déshérité de la ville, et d’en ressortir en gardant toujours sur soi son téléphone portable, ses chaussures ou son short... Pas toujours évident.

Dans la même veine, mais à une autre échelle, le « Labyrinthe Administratif » s’adresse aux personnes qui ont des nerfs solides et qui aiment les équations tordues. Le but est de suivre tranquillement les indications des guichetiers de l’accueil et de résoudre les énigmes posées à chaque échelon du jeu... Une trame assez facile en apparence, mais qui posera des difficultés assez rapidement, même aux joueurs les plus persévérants : logique déficiente, confusion des attributions des bureaux, phénomènes administratifs irréels, bugs répétés, énigmes impossibles... Ceux qui l’ont essayé relèvent les nombreux dysfonctionnements de cette attraction, beaucoup trop complexe, et qui a rendu fou un nombre incalculable de joueurs.

Coté plage, « Parasol Odyssey » est un jeu d’agilité, d’adresse et d’exploration, qui consiste, dans une plage municipale, à essayer de trouver une place libre dans un coin de sable ou un rocher, sans marcher sur un dos ou le bras d’un autre estivant. C’est un jeu qui demande une prudence et une maîtrise extrême de soi, car au moindre faux pas, en cas de contact, une bagarre générale éclate et il faut malheureusement recommencer tout le jeu.

Dans l’eau, après le succès de « Panic Jetski », où il faut éviter de se faire heurter la tête par l’un des scooters des mers, « Méduse Party » est LA nouvelle attraction. Montée cette année, c’est un jeu d’adresse où il faut nager gracieusement entre des espèces de flanc violet, en les évitant, sous peine de se prendre une minuscule décharge de 500 volts... Les propriétaires du parc ont sans doute jugé que l’attraction « Bronzage comme une épave » manquait d’un peu de punch...

Disséminées dans tout le Parc, d’autres attractions valent le détour... « Bocadillo Toxic »5 est un jeu de hasard pour mesurer votre chance ou pas de rester immobilisé pendant deux semaines après avoir planté vos dents dans un sandwich de viande hachée.

Dans un style plus culturel, « Ciné Café » est un grand spectacle vivant qui consiste à prendre une chaise dans un café, à commander une boisson et à se mettre à l’aise pour regarder un film naturaliste et réaliste, celui qui se déroule sous vos yeux : mouvements des passants, dragues lourdes, disputes entre deux automobilistes...

« Chouffouni Avenue »6, est quant à lui un spectacle de défilés de mode sur la corniche ou les avenues animées, où des jeunes gens de tous les horizons viennent afficher leurs derniers costumes et déguisements.

Mais à Maroc-Land, les attractions indétrônables resteront toujours les mêmes. Ainsi, « Happy Family » est un jeu qui consiste à profiter, dans la joie et la bonne humeur, de la compagnie de ses proches et de partager avec eux des moments privilégiés et irremplaçables. Les attractions « Les amis » et « Panoramas Fabuleux » sont également des succès qui ne se démentent pas...

J’en oublie sûrement d’autres, il y a tellement de choses à faire à Maroc-Land... Donc si vous connaissez d’autres attractions qui valent le détour, n’hésitez pas à écrire au journal pour nous les faire découvrir !

 

Mohamed Saïyd. in Bienvenue à Maroc-Land (c) 2019.

 

Lexique:

1. Haj :Titre d’un musulman qui a fait le pélerinage à la Mecque.

2. Fqih : Maître d’école coranique.

3. Lalla : Titre honorifique donnée aux femmes importantes. Dans la vie de tous les jours, formule de politesse pour dire Madame.

4. Chemkar : Drogué à la colle ou aux produits chimiques.

5. Bocadillo : Mot espagnol pour sandwich. Le Nord du Maroc ayant été colonisé par l’Espagne, les locutions espagnoles y sont très courantes.

6. Chouffouni : Littéralement, « Regardez-moi ».